Une personnalité locale, Jean-Baptiste Guimet Challenge UPro-G, Septembre 2023

JB Guimet par Régnier (1850)

2 septembre 2023

Jean-Baptiste Guimet, l’inventeur du bleu outremer artificiel

Au XIXe siècle, une famille célèbre s’est installée dans mon village de Fleurieu-sur-Saône : la famille Guimet. Mais plutôt que de vous parler d’Emile Guimet, le plus connu, notamment au travers du musée de Paris qui porte son nom, je préfère me pencher sur le destin aussi extraordinaire de son père, Jean- Baptiste.

Jean-Baptiste Guimet naît à Voiron le 20 juillet 1795. Il manifeste rapidement un intérêt et une aptitude pour l’étude des sciences. Son parcours éducatif le conduit à intégrer l’école Polytechnique en 1813 et il commence sa carrière de chimiste dans les services publics au service des Poudres et Salpêtres. Le tournant décisif de sa vie est sa rencontre avec Rosalie Bidault, dite Zélie, lyonnaise, issue d’une famille de peintres et elle-même artiste peintre. Il l’épouse en mai 1824.

A cette époque, la couleur bleue est un casse-tête pour les peintres. Les anciens comme Vermeer utilisait le lapis-lazuli, pigment naturel d’excellente qualité, mais hors de prix. A défaut, les peintres utilisent l’indigo ou encore le bleu de cobalt, mais leur intensité et leur résistance au temps sont bien loin de celles du lapis lazuli, et ces pigments restent assez onéreux.

Jean-Baptiste Guimet promet alors à son épouse Zélie : « Charge-toi de peindre, je me chargerai des couleurs. Tu n’en manqueras jamais »

Jean-Baptiste commence donc ses recherches d’autant plus qu’en 1824, la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale propose un prix de 6 000 francs pour la découverte d’un procédé industriel de fabrication d’un bleu outremer artificiel et peu cher. La compétition est internationale puisque des anglais et des allemands y participent. En 1826, Jean-Baptiste qui obtient des résultats encourageants, fait essayer sa découverte à quelques peintres dont Ingres. Le résultat et à la hauteur des attentes avec ce nouveau bleu éclatant et bon marché. Il gagne donc le prix et songe à créer sa propre usine pour industrialiser le procédé.

Il achète alors à Fleurieu-sur-Saône une maison et des terrains autour pour construire des bâtiments industriels. L’ endroit est à une douzaine de kilomètres de Lyon, loin des habitations, et a un accès direct à la Saône, paramètre primordial pour la fourniture d’eau et le transport des matières premières et produits finis.

Jean-Baptiste découvre que son bleu rend la pâte à papier plus blanche, par un phénomène d’azurage optique et bientôt les papetiers, comme Canson ou Montgolfier, sont ses plus gros clients, assurant un développement important de la fabrique et en conséquence une industrialisation plus importante et une diminution des coûts de production. Peu cher, et très efficace, ce bleu commence à être utilisé par les blanchisseurs qui rincent le linge dans une eau additionnée de ce bleu outremer pour le rendre plus blanc. Jean-Baptiste obtient également plusieurs récompenses aux expositions universelles de l’ époque.

Boules de bleu Guimet
Chromolithographie publicitaire

Le succès est donc colossal, et il n’a de cesse d’améliorer son approvisionnement en matières premières de qualité en co-créant la Compagnie de produits chimiques d’Alais et de la Camargue, qui deviendra plus tard Péchiney. Soucieux de développer ses marchés dans les colonies françaises et à l’international, il investira dans la Compagnie de Navigation Mixte et le chemin de fer, en particulier le PLM ( Paris-Lyon-Méditerranée).

En parallèle de son activité d’industriel, il devient conseiller municipal de Fleurieu-sur-Saône puis de Lyon, président de l’Académie des Sciences en 1852 et recevra la légion d’honneur des mains de Napoléon III en 1855.

C’est en 1860 que son fils Emile reprend les rênes de la fabrique. Passionné de musique, il va néanmoins continuer à faire prospérer l’entreprise tout en tant assouvissant son goût pour les arts.

Jean-Baptiste Guimet décède à Lyon le 8 avril 1871. Ayant créé le bleu outremer artificiel pour faire plaisir à son épouse, il est devenu un des grands industriels du XIXe siècle.

Les sources et reproductions sont issues du livre : Guimet, Hubert, Jean-Baptiste et Emile Guimet, La Confluence de l’Art, de la Science et de l’Industrie , Lyon, Editions lyonnaises d’art et d’histoire, 2018.

Ce livre est à lire si vous souhaitez en apprendre plus sur cette passionnante et véritable saga familiale.